De qui parle-t-on lorsqu’on parle de l’itinérance?
Il existe des définitions différentes de l’itinérance partout dans le monde, ce qui rend difficile une comparaison de l’état de l’itinérance d’un pays à un autre ou d’une province à une autre. Je présente ici une brève comparaison des différentes définitions et typologies de l’itinérance utilisées couramment dans les pays développés.
La fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abris (FEANTSA) a développé une définition et une typologie de l’itinérance en 2007. FEANTSA met le logement au cœur de la définition de l’itinérance en considérant trois aspects distincts du logement : les domaines physique, social et légal.
« Le concept de logement (ou « home » en anglais) est composé de trois domaines, dont l’absence pourrait constituer une forme d’exclusion liée au logement. Le fait d’avoir un logement peut être interprété comme : avoir une habitation adéquate qu’une personne et sa famille peuvent posséder exclusivement (domaine physique); avoir un lieu de vie privée pour entretenir des relations sociales (domaine social) et avoir un titre légal d’occupation (domaine légal). »
La définition canadienne de l’itinérance est de plus en plus utilisée dans les dénombrements et les recherches faites au Canada et au Québec. Comme la définition européenne, le logement est au cœur de la définition :
« L’itinérance décrit la situation d’un individu ou d’une famille qui n’a pas de logement stable, permanent et adéquat, ou qui n’a pas de possibilité ou la capacité immédiate de s’en procurer un. C’est le résultat d’obstacles systémiques et sociétaux, d’un manque de logements abordables et adéquats, et/ou de défis financiers, mentaux, cognitifs, de comportement ou physiques qu’éprouvent l’individu ou la famille, de racisme et de discrimination. »
La province du Québec a proposé une définition de l’itinérance qui se différencie de la définition canadienne et européenne. La définition québécoise met l’emphase sur le logement, mais aussi sur les rapports communautaires :
« L’itinérance désigne un processus de désaffiliation sociale et une situation de rupture sociale qui se manifestent par la difficulté pour une personne d’avoir un domicile stable, sécuritaire, adéquat et salubre en raison de la faible disponibilité des logements ou de son incapacité à s’y maintenir et, à la fois, par la difficulté de maintenir des rapports fonctionnels, stables et sécuritaires dans la communauté. L’itinérance s’explique par la combinaison de facteurs sociaux et individuels qui s’inscrivent dans le parcours de vie des hommes et des femmes. »
La définition québécoise est plus large que son homologue canadien car elle inclut les rapports communautaires. Les liens communautaires sont extrêmement importants, mais sans une typologie qui accompagne la définition, elle est très difficile à mesurer.
L’Europe et le Canada ont tous les deux développé des typologies de l’itinérance. Ces typologies sont très utiles car elles nous aident avec l’opérationnalisation, ou le processus par lequel on peut mesurer l’itinérance, comme le présente le tableau ci-dessous.
Les typologies sont nuancées et présentent un spectre de l’itinérance en distinguant les différentes formes d’itinérance. Comme le montre le tableau comparatif, la typologie canadienne est très comparable à l’européenne.
Vers le bas du spectre, ETHOS est plus nuancé et donne plusieurs exemples du logement inadéquat; la typologie canadienne n’est pas si spécifique. Au lieu de donner des exemples du logement précaire, la typologie canadienne liste des facteurs qui mettent les personnes à risque de l’itinérance, tel que l’emploi précaire ou la détérioration des relations familiales.
Alison Smith est candidate au doctorat à l’Université de Montréal.