Les approches préventives en itinérance jeunesse à Montréal : Panel d’experts
Comment prévenir l’itinérance chez les jeunes ? Quelles sont les approches à privilégier ? C’est autour de ces questions complexes, mais non moins intéressantes, que le Conseil jeunesse de Montréal avait invité les communautés à venir réfléchir, échanger et partager leurs idées lors d’un Panel d’experts en itinérance jeunesse au Bistro de l’Espace La Fontaine, le jeudi 1er décembre 2016.
En guise d’introduction, Céline Bellot, professeure titulaire à l’École de travail social de l’Université de Montréal, s’est interrogée sur les jeunes de la rue : qui sont-ils ? où sont-ils ? Et quelles sont les dimensions qui viennent fragiliser leurs trajectoires de vie ? À titre d’exemple, elle mentionne l’importance des réseaux et du lien social pour renouer de manière significative avec les jeunes de la rue. La chercheure a soulevé d’autres enjeux de l’itinérance jeunesse ; ceux-ci ont été repris tour à tour par le panel d’experts, notamment :
- La multiplicité des expériences jeunesse face à l’itinérance, particulièrement chez les jeunes filles et les jeunes de la communauté LGBTQ2S ;
- Les besoins d’une mixité dans les approches et les défis de l’intersectorialité et de l’interdisciplinarité ;
- La désaffiliation sociale, l’itinérance cachée et la précarité des jeunes après la sortie de l’itinérance ;
- L’occupation de l’espace public et la judiciarisation ;
- Les défis du logement et les besoins de modèles d’hébergement qui conviennent aux jeunes ;
- L’emploi et les compétences positives ;
- La santé globale et le bien-être des jeunes.
Serge Lareault, protecteur des personnes en situation d’itinérance, a abordé la question de la place des jeunes dans l’espace public et comment la Ville de Montréal peut jouer un rôle de premier plan à ce niveau. Selon lui, il faut une meilleure compréhension sur le terrain, afin d’éviter que les jeunes ne soient davantage judiciarisés. Pour ce faire, il faut voir le profil des jeunes au-delà de l’itinérance et leur offrir des opportunités de réussite :
« Les programmes focalisent souvent sur la santé, l’emploi et la réinsertion sociale, mais il faut aussi des approches plus globales, notamment des programmes diversifiés qui sont plus près de leur réalité ».
De même, M. Lareault a mentionné l’importance de mobiliser l’ensemble des acteurs impliqués de près ou de loin dans la situation touchant les enfants et les jeunes à Montréal, afin de trouver des solutions tangibles pour prévenir et contrer l’itinérance chez ces groupes spécifiques.
Roch Hurtubise, professeur titulaire à l’École de travail sociale de l’Université de Sherbrooke, a insisté sur les besoins d’une vision commune pour comprendre l’itinérance chez les jeunes. Celui-ci a pris pour exemple les efforts déployés par l’Observatoire canadien de l’itinérance pour définir la spécificité de l’itinérance jeunesse ; définition, qui s’inscrit dans un continuum de déterminants individuels et sociaux (santé mentale, abus, victimisation, discrimination, judiciarisation, etc.) qui introduisent non seulement les jeunes à l’itinérance, mais contribuent également à son maintien. Selon le chercheur, les mesures préventives et les actions doivent être repensées en fonction de ces déterminants globaux, mais ils doivent aussi s’intégrer dans une analyse de trajectoire de vie, afin de capter les moments de transition qui mènent vers l’itinérance :
« Il faut développer une capacité collective à identifier les jeunes qui sombrent vers la précarité et l’itinérance », souligne-t-il.
Toutefois, M. Hurtubise reconnaît que ces outils de repérage soulèvent plusieurs questions éthiques, à commencer par un glissement vers le profilage des individus.
Finalement, Elisabeth Greissler, professeure adjointe à l’École de travail social de l’Université de Montréal, a mis l’accent sur le logement et l’action collective pour comprendre l’itinérance jeunesse. Son expertise de recherche a démontré que les interventions de milieu, basées sur des expériences positives, comme les approches alternatives par les pairs et la participation citoyenne, permettent aux jeunes de se reconstruire. Il est également primordial, selon la chercheure, de comprendre les besoins uniques des jeunes, ainsi que le cycle et la chronicité de l’itinérance jeunesse. Elle mentionne à ce propos l’impact positif des « Auberges du cœur » et leurs pratiques d’intervention en continu, notamment dans le passage à la vie adulte et le suivi post-hébergement.
L’évènement a été animé par Matthieu Bardin de CJ-Mtl et commenté par David Palardy-Talbot, pair-aidant au Groupe d’intervention alternative par les pairs (GIAP).