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Les résultats d’une consultation sur l’itinérance des jeunes par l’Observatoire canadien sur l’itinérance

Le 8 février 2018, l’Observatoire canadien sur l’itinérance a lancé les résultats d’une vaste consultation nationale sur la prévention de l’itinérance des jeunes. Le rapport est le fruit d’efforts s’échelonnant sur six mois et de consultations à travers le pays auprès de 114 jeunes fréquentant des organismes dans douze villes de sept provinces et territoires, dont Dans la rue, à Montréal, qui présentait le plus de participants.

 

Résultats d’un webinaire sur quatre grandes questions

Le même jour, un webinaire d’une durée d’une heure trente était animé par Kaitlin Schwan, PhD et David French. Voici ce qui en est ressorti :

Les jeunes avaient en moyenne 22 ans, et la moitié avaient connu des placements dans leur jeunesse.

 

Les chercheurs ont demandé aux jeunes, lors de focus groups, quatre grandes questions :

  1. Qu’est-ce qui aurait pu prévenir votre itinérance? Qu’est-ce qui aurait été un moment critique pour qu’une personne intervienne?
  2. Quels programmes, politiques, services sont nécessaires pour mettre fin à l’itinérance des jeunes?
  3. Qu’est-ce que vous voulez transmettre comme message au gouvernement canadien sur la prévention de l’itinérance des jeunes?
  4. Comment aimeriez-vous vous impliquer pour apporter des changements dans cette problématique?

 

Les résultats :

Sur quoi devrions-nous concentrer nos efforts?

  1. La prévention structurelle.
  2. La prévention des systèmes.
  3. La prévention des causes individuelles et relationnelles.

 

Qu’ont appris les chercheurs?

Les thèmes qui sont ressortis :

  1. Nous attendons trop longtemps pour intervenir quand une personne est à risque d’itinérance et les adultes ne savent pas identifier une personne dans le besoin. De plus, plusieurs jeunes sont refusés parce qu’ils ne sont pas considérés «assez» itinérants (par exemple, parce qu’ils dorment chez des amis).
  2. Une intervention rapide devrait être faite avant que les personnes soient sur le point d’être à la rue, qu’ils aient un avis d’expulsion et que leur compte bancaire soit vide. Des interventions devraient être faites à l’école et dans les organismes. Les services devraient être connus par les jeunes; les jeunes ne devraient pas apprendre l’existence des ressources par d’autres jeunes et manger dans les poubelles pendant des semaines avant d’apprendre qu’il existe des organismes. La rapidité de notre réponse est primordiale.
  3. Les échecs du système.
  4. Un continuum logique dans les options de logement; incluant la capacité de soutenir un jeune dans les nombreuses étapes de sa vie. Les jeunes parlaient d’un droit au logement sans conditions préalables. Ils voulaient faire partie de la communauté. Ils se retrouvent dans une situation de la poule ou de l’œuf. Ils veulent à la fois travailler et avoir un logement.
  5. La colonisation est un sujet qui a pris beaucoup de place dans les communautés autochtones, dont l’impact est sur la vie des personnes et de leur communauté. Pour plusieurs jeunes, si la colonisation n’était pas arrivée, ils ne seraient pas à la rue. Une redistribution des ressources et du pouvoir doit être faite selon les jeunes consultés. Les jeunes parlaient de prévention par l’autonomie des communautés autochtones. Il était aussi important de se reconnecter avec le passé, les traditions, ce qui va dans le sens de la définition de l’itinérance autochtone. (http://homelesshub.ca/sites/default/files/COHIndigenousHomelessnessDefinition.pdf)
  6. Équité et discrimination : les jeunes font état de profilage social. Ils voulaient que les gens et les systèmes soient redevables pour la discrimination vécue. Ils ont souhaité avoir accès à des conseils légaux, connaître leurs droits. En rencontre, les jeunes étaient plus fâchés lorsqu’ils se sentaient stigmatisés ou ignorés, davantage que face à ce qu’ils avaient vécu avec leur famille.
  7. Une conduite professionnelle : les jeunes ne se sentaient pas épaulés par les membres du système comme des enseignants, lorsqu’ils parlaient de ce qu’ils vivaient à la maison. Les jeunes n’interagissent pas avec les systèmes mais avec les professionnels ; ils souhaitent que les professionnels soient formés sur les traumas et qu’ils se voient comme ayant un rôle.
  8. Les jeunes devraient pouvoir avoir le droit de parole. Ils sont les experts de leur propre vie.

 

Les jeunes proposent des solutions pour résoudre l’itinérance jeunesse

Les jeunes pouvaient identifier ce qui les avait menés à la rue, de même que des solutions tangibles. Plusieurs jeunes avaient initialement connu l’itinérance avec leur famille.

Les solutions proposées :

  1. Qu’il faut avoir une approche proactive et non réactive face à l’itinérance. Pour cela, il faut que les systèmes d’éducation, de protection de la jeunesse et de justice soient partie prenante. Par exemple, les jeunes ayant été dans le système de protection de la jeunesse sont connus; cela ne devrait pas être surprenant de les retrouver à la rue. Nous devons reconnaître les familles comme faisant partie de la solution. Il faut travailler avec les écoles et intervenir. 83% des jeunes qui ont répondu dans un sondage ont connu l’intimidation à l’école. 42% des jeunes avaient tenté de mettre fin à leur vie, 35% avaient eu une overdose menant à une hospitalisation. Ces jeunes font partie d’un système qui aurait pu intervenir.
  2. Il faut avoir une stabilité en logement, ce qui inclut une rétention du logement. En plus d’un logement, il faut de bonnes relations avec les propriétaires, des suppléments au loyer, des éléments de base comme des meubles, du soutient quand les choses ne vont pas. Ceci inclut aussi la santé et le bien-être, l’accès à l’éducation, etc. Jusqu’à ce qu’une personne ait 25 ans, toute personne devrait avoir de l’information, du soutien et de l’aide.
  3. Que le secteur soit reconfiguré pour soutenir les jeunes à risque et en situation d’itinérance.
  4. Que des investissements majeurs soient apportés en logement social, en supplément au loyer, en aide sociale, etc.
  5. Que des barrières d’accès aux services soient levées.
  6. Que les pratiques et politiques discriminatoires disparaissent.

Sorties de l’itinérance : alignement des systèmes gouvernementaux, accroître la responsabilisation

Le gouvernement fédéral a un rôle de leadership à jouer, il doit aligner les politiques, réviser les programmes et travailler la réconciliation. Au niveau provincial, il faut implanter les programmes, prioriser, être redevable et travailler en intersectionnalité. Au niveau municipal, il faut innover, travailler ensemble, prioriser.

Les plans pour mettre fin à l’itinérance ne sont pas que ça. Ils servent aussi à garder les familles ensemble, augmenter le taux de diplomation, augmenter le nombre de travailleurs.

Les organismes doivent travailler de plus près avec les propriétaires, avec les commissions scolaires, aller dans les écoles, former les enseignants sur la façon de diriger les jeunes, etc. Il y a là de grandes opportunités. Tout le travail devrait être centré sur les droits humains. Il est alors recommandé d’impliquer les jeunes, notamment dans des tables d’experts et des conseils. De soutenir les intervenants de première ligne avec des outils et des ressources pour les aider dans leur travail. Finalement, il est essentiel de créer des ponts pour que les changements puissent se faire, entre l’école, la protection de la jeunesse et les organismes en itinérance et dépendances.

Il est recommandé aux organismes de continuer à partager leur travail et leurs succès, de chercher des occasions d’implication avec les gouvernements, de se concentrer sur la capacité au changement, de continuer à innover.

C’est enfin aux gouvernements d’utiliser l’information, de faire preuve de leadership et de créer un vrai système intégré.

 

Référence: Schwan, K., Gaetz, S., French, D., Redman, M., Thistle, J., & Dej, E. (2018). What Would it Take? Youth Across Canada Speak Out on Youth Homelessness Prevention. Toronto, ON: Canadian Observatory on Homelessness Press.

Pour aller plus loin :

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