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Les campements sonnent l’alarme

La lettre d’opinion de Michèle Chappaz, Directrice générale du MMFIM, qui a été publiée dans l’édition de novembre de l’Itinéraire.

Les campements se multiplient à Montréal. Bien qu’il n’y ait pas de données officielles sur leur nombre, nous savons que de plus en plus de personnes habitent ces camps de fortune. L’exemple du campement de la rue Notre-Dame démontre l’ampleur de la situation : à ce jour plus de 90 personnes ont été accueillies au sein de cette communauté selon les ressources communautaires locales. On remarque de plus petits campements ailleurs à Montréal, notamment dans le Vieux-Port, sur les abords du canal Lachine et à Montréal-Nord. Une situation alarmante qui n’est pas sans rappeler la réalité vécue depuis le début de la pandémie par certaines villes nord-américaines, telles que Los Angeles ou Toronto.

Avant le début de la pandémie, l’on craignait déjà les impacts de la crise de logement sur l’itinérance. La présence de camps de fortune serait le résultat de la crise de logement jumelée à la crise sanitaire. À Montréal, la collaboration entre les autorités sanitaires, le CIUSSS Centre-Sud, la Ville de Montréal et les organismes communautaires a permis de limiter la propagation du coronavirus à une centaine de personnes en situation d’itinérance. Malgré cet effort collectif, le manque de logement et la précarité financière sont toujours aussi problématiques.  

La prolifération des tentes dans certains arrondissements sonne l’alarme sur l’urgence d’agir auprès des personnes les plus vulnérables de notre ville, particulièrement en impliquant l’ensemble des acteurs et actrices – y compris les personnes en situation d’itinérance – dans la recherche de solutions durables et diversifiées qui tiennent compte de l’ensemble des parcours et des besoins.

Notre réflexe naturel d’aider les autres peut nous inciter à offrir des provisions de camping à ces personnes pour faire face à l’hiver. À -5, -10, -20, même bien nantis, le camping n’est pas une solution viable pour tous. Loin de moi l’idée de dénoncer ce geste qui vient du cœur, mais plutôt de questionner notre objectif commun. Est-ce que cet élan de solidarité encouragera d’autre personnes à rejoindre des camps ? Ne serait-il pas préférable de mettre toutes les ressources disponibles dans le logement, même temporairement ? L’achat d’un hôtel ou la mise sur pied d’une ressource moins éphémère qui serait à la fois plus sécuritaire et comblerait les besoins de ces personnes ne serait-elle pas à privilégier ?

À ce sujet, de récentes annonces permettent d’espérer des solutions sur le moyen et le long terme notamment par le dénouement de l’entente sur l’habitation, entente de 1,8 milliard, sur 10 ans, entre le fédéral et provincial en matière de logement social. Même si les détails de cette entente ne sont pas encore connus, nous avons bon espoir que les sommes allouées permettront de réaliser rapidement les projets communautaires de logements sociaux en attente depuis longtemps.

Ces projets ne seront toutefois pas réalisés en 2020 ou même en 2021. Aussi, l’ajout de 236,7 millions de dollars dans le cadre de « vers un chez soi », la stratégie canadienne de lutte contre l’itinérance, pour affronter la pandémie de COVID‑19, est bien accueilli. Ce financement, géré par le réseau de la santé au Québec, s’ajoute au milliard annoncé pour le logement rapide des personnes en situation d’itinérance, administrée quant à lui par la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Ces financements devraient permettre d’accompagner 3 000 personnes vers le logement au Canada.  

À la vue des camps de fortune, nous pouvons déjà prévoir de grands besoins pour des places d’hébergement d’urgence pendant la saison froide. C’est pourquoi la Ville de Montréal et le CIUSSS du Centre-Sud de l’île de Montréal travaillent avec les organismes communautaires de première ligne pour trouver et ouvrir des lieux d’accueil cet hiver afin d’accueillir 250 à 300 personnes dès cet automne. Mais, à la fin de la saison hivernale, lorsque ces mesures d’urgence se termineront, que se passera-t-il ? Retournerons-nous les personnes en situation de grande précarité dans des camps de fortune ?

À force de voir des tentes surgir dans nos espaces perdus, nous risquons de devenir insensibles à une situation qui est inadmissible dans une société moderne. Il faudra impérativement se pencher sur des solutions à long terme dès maintenant et aborder la notion de l’accès au logement comme étant un droit humain universel.

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