Facteurs de risque

La personne en situation d’itinérance évolue dans un environnement qui présente des facteurs de risque qui influencent son état de vulnérabilité. L’itinérance, visible ou cachée, est un phénomène préoccupant marqué par la grande pauvreté, l’isolement et bien souvent la maladie physique ou mentale. Il n’y a pas de portrait unique de l’itinérance ni une seule réponse à offrir. En comprenant mieux les facteurs de risque qui, individuellement ou ensembles, rendent les personnes plus vulnérables, cela permettra de mieux les identifier et agir en prévention.

La présente section met en lumière certains indicateurs ou facteurs de risque qui permettent de placer la réalité de la personne en situation d’itinérance dans un contexte socio-économique plus large.

Logement

Lorsque le marché locatif se resserre et les logements abordables deviennent plus rares, les personnes peuvent être forcées à louer un logement insalubre ou trop cher pour leurs moyens. Plus ces facteurs sont en cause, plus il est probable qu’une personne perde son logement et, sans autres ressources, vive un épisode d’itinérance. Le Low-End of Market Rental Housing Monitor (LEMR) est un outil centralisé de cartographie des données qui présente des informations essentielles sur l’emplacement et les caractéristiques du parc de logements locatifs abordables « bas de gamme » du marché dans six régions urbaines du Canada : Calgary, Halifax, la région du Grand Montréal, la région du Grand Toronto, la région métropolitaine de Vancouver et Winnipeg.

En intégrant des données provenant de diverses sources, le LEMR Housing Monitor montre comment le parc locatif abordable a évolué au fil du temps, en révélant les principales tendances ayant un impact sur l’abordabilité du logement, par exemple, en ce qui concerne les expulsions ou la construction de nouveaux logements.

Selon le dernier rapport datant du 2022, dans la région du Grand Montréal, dans la zone d’enquête intitulée Centre-ville de Montréal – Ile des Sœurs, l’une de zones avec le pourcentage le plus élevé de ménages locataires comparés aux ménages propriétaires dans la métropole québécoise, 64% contre 36% respectivement. Seulement entre 20% et 40% de logements locatifs sont considérés comme abordables sur le marché principal, ceci selon la définition proposée par l’Observatoire du Logement à faible coût. On apprend aussi que le nombre de ménages locataires dans la ville est estimé à 660.955, c’est-à-dire le 55,4% du total de ménages, le nombre de ménages locataires ayant des besoins impérieux en matière de logement était de 96.830. Le LEMR nous confirme d’une certaine manière, que l’inabordabilité du logement est de plus en plus grave dans la métropole.

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Pauvreté

La pauvreté se vit de plusieurs façons. Elle se manifeste par une vulnérabilité financière qui peut fragiliser la santé mentale et physique des personnes et mener à la perte d’un logement. Plus les personnes sont vulnérables, plus un événement imprévu risque de mener à un épisode d’itinérance. La perte de logement peut avoir plusieurs conséquences à court et à moyen terme.

Les mesures absolues de faible revenu (MFR), telles que la mesure du panier de consommation (MPC) et la mesure de revenu viable (MRV), permettent d’établir le revenu jugé nécessaire pour se procurer un panier de biens et services défini. Elles varient généralement en fonction de la taille du ménage et de sa situation géographique. Les mesures relatives, quant à elles, permettent de comparer la situation d’une personne ou d’un groupe de personnes à celle de l’ensemble de la distribution de revenu. Le seuil de la mesure de faible revenu (MFR), par exemple, correspond à la moitié du revenu disponible médian d’une population cible. Il est ensuite possible de comparer la situation d’une personne par rapport à ce seuil.

Au Québec, le taux de faible revenu des particuliers de 16 ans et plus était de 9,9 % en 2021, une hausse par rapport à 2020 (8,2 %). Lors de cette année, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes d’être en situation de faible revenu (10,6 % c. 9,2 %). Entre 2005 et 2021, le taux de faible revenu des femmes a oscillé entre 12,4 % et 9,1 %, tandis que celui des hommes de 10,9 à 7,4 %. Il a atteint son plus bas niveau chez les femmes et chez les hommes en 2020, dû en partie aux prestations d’aide financière liées à la COVID-19.

Insécurité alimentaire

L’insécurité alimentaire est un état dans lequel se trouve une personne, ou un groupe de personnes, lorsque la disponibilité d’aliments sains et nutritifs, ou la capacité d’acquérir des aliments personnellement satisfaisants par des moyens socialement acceptables, est limitée ou incertaine. Selon un sondage de la firme Leger apparu en 2023 :

  • 32% de la population québécoise s’est retrouvé en situation d’insécurité alimentaire au moins une fois au cours des 12 derniers mois, ce qui correspond à une hausse de 10 points par rapport à 2020. La hausse est plus marquée en ce qui concerne l’insécurité sévère (+6 points).
  • 48% de la population québécoise âgée de 18 à 34 ans se retrouvent au moins à l’occasion dans une situation d’insécurité alimentaire, dont 25% qui seraient en situation d’insécurité sévère. Il en va de même pour 52% des ménages à faible revenu (-40 000$), dont 24% vivent de l’insécurité sévère.
  • Les Québécois au revenu moyen ne sont toutefois pas à l’abri, car 23% des ménages au revenu annuel de 100 000$ et plus font aussi face à l’insécurité financière, ne serait-ce que marginalement.
  • 13% des Québécois admettent qu’eux-mêmes ou un de leurs proches ont dû avoir recours à un comptoir d’aide alimentaire au cours des 12 derniers mois.
  • Un peu plus du tiers (37%) des Québécois ont fait un don, que ce soit en argent ou en denrées non périssables, à un organisme ou à un évènement qui recueille et distribue de l’aide alimentaire au cours des 12 derniers mois. Cette proportion est significativement plus élevée parmi les 55 ans et plus (42%) et ceux qui font partie d’un ménage au revenu annuel se situant entre 60 000$ et 79 999$.

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Points de bascule

Une fois fragilisées au niveau économique, par la perte d’un emploi ou un problème de santé, les personnes peuvent basculer en itinérance au moindre choc : dépense imprévue, perte de source de revenu, perte du logement, violence familiale, etc.

Les points de bascule régulièrement identifiés pour expliquer les épisodes d’itinérance sont la sortie d’institutions (centres jeunesse, établissements de détention, hôpitaux) et la perte de logement. Il faut agir en amont sur ces déterminants et bien planifier les sorties d’institution afin d’éviter que les personnes se retrouvent en situation d’itinérance.

  • L’étude du CREVAJ (Goyette et al., 2019) démontre que près du tiers des jeunes qui sortent des CRJDA serait en situation d’instabilité résidentielle ; 45 % des jeunes qui sont stables considèreraient leur situation précaire. De deux à trois ans après leur sortie de placement, près d’un jeune sur cinq aurait vécu un épisode d’itinérance visible.
  • Il y a, dans la sortie des établissements de détention, un niveau de complexité supplémentaire. En effet, avoir un dossier criminel complique la recherche d’un logement, d’un emploi, de liens sociaux, etc. Cela participe au fait que l’on observe une surreprésentation des personnes en situation d’itinérance dans les établissements de détention (Reingle Gonzalez et al., 2017 ; Roy et al., 2016 ; Saddichha et al., 2014). Par ailleurs, l’équipe de To (2016) a révélé que près d’un Canadien incarcéré sur trois quittait l’établissement de détention sans avoir de plan pour habiter un logement permanent.
  • Selon données du dernier dénombrement de personnes en situation d’itinérance au Québec en 2022, les deux principales raisons évoquées de la perte du dernier logement par les usagers et usagères de ressource d’hébergement, étaient l’expulsion et les problèmes de consommation de substances, avec le 23% et le 22% respectivement.

Source 1

Source 2